Côme, c'est le chouchou, la mascotte du cabinet Spirare au Cherche-Midi.
Côme, bébé de neuf mois en 2010, agrippe mon regard avec ses grands yeux souriants. Il ne bouge pas, comme piégé au niveau de sa moelle. Mes amis viennent de découvrir que leur fils ne va pas bien et sont sans réponse. IRM et examens génériques n’ont décelé aucune pathologie. Je sens la vibration m'interdire de partir sans dire mon sentiment.
A l'époque, je reviens de stage au B.O.T.O., dans en Camargue, avec Alain Croibier, ostéopathe engagé dans la transmission de son art, enseignant hors pair avec Jean-Pierre Barral, le fondateur du Barral Osteopathic Teaching Organisation. Deux hommes hautement épris, passionnés d'ostéopathie, qui font avancer depuis de longues années cette discipline.
J'ai alors en tête son enseignement tout frais, ses techniques, et mon intuition reste. À cette minute, je sais au fond de moi que le chemin de vie de ce bébé est engagé différemment.
Quelques années auparavant, avec Bob Rousse, ostéopathe pour les bébés, j'ai appris d'autres techniques d'urgence pour tenter de lever les lésions intra-utérines des nouveau-nés. Ses mains immenses engageaient elles aussi la vitalité des tissus, dans une levée de compression jusqu'au-boutiste, à peine supportable pour qui ne comprenait pas la portée de telles techniques. Décédé aujourd'hui, je lui donne ma reconnaissance, mon admiration, et le fait de ne plus avoir peur de faire souffrir un tissu violemment fixé, dans le seul but de lui rendre son vivant.
D'instinct, je regarde Côme et dis : « il y a un souci de taille, il faut agir urgemment ». Thierry Coeur de Roy, ostéopathe sur Paris, prend en charge Côme pendant 18 mois. Puis, sur mes indications, les parents prennent RV avec Alain Croibier, à Grenoble. Il confirme mon diagnostic et poursuit. Il accepte de superviser le traitement qui sera donné à Côme. Grenoble, c'est loin de Paris !!
Je prends le relais, chaque quinzaine : dynamisation des tissus proches de la moelle épinière, suivi des espaces où la moelle est piégée dans une immobilité due à une sorte de « tenaille » entre C0, C1 et C2.
Quand Côme pleure trop, sourdement, dans sa souffrance profonde, enfermé, je l'accompagne avec des sons modulés, aigus ou graves, des sons qui suivent sa voix, la bordent, l'enveloppent, afin de le rassurer, le guider hors de la camisole où il est bloqué. La faux du cerveau, la tente du cervelet, et la méninge dure-mérienne sont en grande difficulté d'échanges, de transmission des forces ; j'ai une sensation métallique incontestable dans mes mains, une tension froide, une densité totalement inébranlable.
Côme est en arrière, il a beaucoup de peurs, d'angoisses vis-à-vis de l'espace arrière de son corps. Son sourire vers nous n'a d'égal que sa peur, sa terreur devrais-je dire, de chuter en arrière. Il ne supporte pas de s'allonger pour se faire traiter.
J'ai en tête la souffrance de la moelle et, soutenue par les parents, je ne lâche rien. Ces techniques demandent une présence à 100%, une concentration forte, une douceur immense, une précision apprise sans filet. Les cisaillements droite-gauche et avant-arrière se contredisent, les mouvements de tête et cervicaux ne permettent pas la mobilité normale du corps de Côme, sa tenue de tête, la mise en place des mouvements de base.
Les séances se déroulent pour que le liquide céphalo-rachidien alimente les espaces neuronaux plus amplement, que les fluides se répartissent, pour qu'il y ait réparation de l'information cellulaire neuronale et que la colonne vertébrale reprenne son rythme ; le tissu se libère millimètre par millimètre.
Après 4 années de travail, Côme peut sortir de l'emprise due au cisaillement de sa moelle, il est « réparé » ; nous avons évité, nous tous ensemble, une grande paralysie, et malgré le polyhandicap locomoteur qui reste, il peut grandir.
Aujourd'hui, cet enfant a 12 ans, il marche, rit, est déclaré avec de grandes capacités intellectuelles et cognitives et s'apprête à entrer en 6ème, avec ses incapacités physiques ponctuelles. Il est gai, rit beaucoup et nous emmène tous vers un avenir que lui seul connaît.
J'ai été tentée de lâcher bien des fois, avec la peur d'aller trop loin malgré mes sensations et bilans ostéopathiques très positifs ; mais, grâce aux parents, aux thérapeutes, orthophoniste, kiné, psychomotricien, équithérapeute, à tous ces talents réunis en équipe, aux progrès hebdomadaires de Côme, aux stages innombrables, centre Essentis de Barcelone, Brain-Moove en Bretagne, le centre d’éducation conductive du Gard, j'ai trouvé un guide en Côme, un alter ego blessé qui m'enseigne autant que je le soutiens.
Faire face à nos incapacités, nos handicaps, nos impuissances grâce à ces enfants qui cheminent eux aussi, et illuminent différemment nos vies, est essentiel.
La page de l’association « Le futur de Côme » se trouve ici : https://www.facebook.com/groups/472047122814422
Côme lors d’une séance à quatre mains avec Odile et Romain.